Depuis que j’étais petite, j’avais tellement désiré devenir maîtresse d’école que j’avais eu le temps de prendre conscience de cette mission. A mes yeux les instituteurs sont responsables de toutes la société. Ceux sont eux qui ouvrent l’esprit aux gosses qui leur montrent ce qui est bien et ce qui est mal. Cette responsabilité était maintenant la mienne et je devais en assumer les conséquences. Je me sentais suffisamment courageuse et patiente pour y parvenir, parce que, quand on a des gosses avec soi, il ne suffit pas de leur apprendre à lire, à écrire et à compter, il faut aussi leur apprendre à lire entre les lignes, c’est-à-dire à réfléchir et penser par eux mêmes, et ça, ce n’est pas toujours facile. Ce qui est essentiel, c’est qu’un enfant dans une classe, n’importe lequel, se sente aimé et considéré, qu’il sente que le maître ou la maîtresse ne le prenne pas pour un numéro ni pour un polichinelle, et que, tout ce qu’on lui demande c’est pour son bien. A partir de là bien des choses peuvent se passer, mais il faut de l’amour pour y parvenir. Sans amour il vaut mieux ne pas enseigner, il vaut mieux faire un autre métier. Pour moi c’était une vocation.
Émilie Carles, Une soupe aux herbes sauvages